Ode à la forêt


C eltis occidentalis, micocalier tectona grandis, sequoiadendron gigentum,
que de noms compliqués, mais certainement pour mieux nous faire oublier.
Polluée, la terre est malade, malade de l’homme et si rien ne freine
la déforestation qu’elle subit aujourd’hui, elle connaîtra l’asphyxie.
Cordon végétal d’écorce et de sève, reliant terre et ciel.
Pilier magique de l’univers, symbole de force et de longévité, irremplaçable,
il est Présent tout au long de notre triste vie.
Tandis que les déserts révèlent la somptueuse nudité de la planète,
la forêt la dissimule sous une épaisse fourrure aux douces ondulations :
c’est le manteau de la Terre. Mais il faut croire que l’homme préfère la nudité,
puisqu’il passe son temps à la dévêtir (voyeur !) Ou alors est-ce par peur ?
Il a fallu l’ardeur des moines défricheurs pour éclaircir les paysages et peu à peu,
débarrasser les forêts de ces êtres de légendes : Elfes et Trolls quand ils ne s’agissaient
pas de démons. Les très vieux arbres, véritables monuments naturels sont porteurs de contes et de légendes.
Avec d’autres plus jeunes, ils transmettent leur énergie à ceux qui connaissent leur langue,
y reposent leur tête ou les ceignent de leur bras.
Aujourd’hui, la forêt n’effraie plus, elle nous introduit dans un univers étranger
au rythme frénétique de la vie contemporaine, garantissant ainsi notre équilibre et notre santé.
Il faut donc la sauvegarder à tout prix parce qu’elle est désormais menacée.
Déjà Platon dans « Critias » évoquait la triste nudité des sols de la Grèce,
qu’il comparait à un squelette blanchi,
là où jadis la mémoire de son peuple se souvenait des vastes et puissantes forêts
qui couvraient la Grèce d’Homère.
Désertifier la Terre, dénuder la planète, c’est à terme la rendre inhabitable pour l’homme lui-même.
« Les forêts précèdent l’homme, les déserts lui succèdent », dit le poète.
Plus vieux, plus haut, plus fort que l’homme, l’arbre a été, dès les origines,
considéré comme le symbole absolu de la fécondité et de la régénérescence.
Rien d’étonnant à ce que les cultures anciennes lui aient accordé une place prépondérante.
Dans la mythologie égyptienne, un sycomore fabuleux fournissait aux morts boissons
et nourriture dans leur voyage vers l’autre monde.
Les celtes effleuraient de la main les branches des arbres, sièges d’esprits redoutables.
Sans doute à l’origine de l’expression « toucher du bois ».
Du magique au sacré il n’y a qu’un pas.
Trait d’union entre le ciel et la terre, l’arbre conduit le mystique vers la révélation.
Dans le Coran, le prophète Mahomet acquiert la connaissance en escaladant en rêve un olivier.
Chez les Chamans de Sibérie, les jeunes initiés grimpent sur un pin ou un bouleau
Pour communiquer avec l’Etre Suprême.
En Inde, au Népal, au Sri-lanka, l’arbre de la Bhodi et vénéré entre tous :
C’est sous son feuillage que Bouddha aurait reçu l’illumination.
Sur tous les continents l’arbre est devenu à la fois objet et lieu de culte.
Mais nous occidentaux, homme soi-disant civilisés, qu’en faisons nous, à part
« Un chimérique papier monnaie »… Comment toucher votre sensibilité ? Je ne sais pas !!!
Peut-être vous rappeler que la vie, les contes, les légendes, les histoires d’amour
Et celles qui font pleurer se sont écrites à l’ombre de ces géants de bois.
Et si demain ils disparaissent, notre histoire s’arrêtera.
C’est vrai c’est un refuge mais aussi le lieu de tous les danger.
« Grands bois vous m’effrayez comme des cathédrales » écrit Baudelaire.
En affrontant la forêt dense, drue, luxuriante
l’homme veut tout à la fois s’éprouver et se ressourcer.
Les ermites des premiers siècles de la chrétienté s’y nourrissaient de baies
Sauvages et y construisaient leur thébaïde de branchages
pour échapper à la vanité du monde.
Mais la traversée de la forêt est également une épreuve, qui sert de rite
De passage à l’âge adulte chez les ethnie africaines et amazoniennes.
C’est en partant à l’aventure dans les bois
que l’adolescent découvre le chemin de la vie.
Plus prés de chez nous, le campement et les jeux de piste participent, eux aussi,
sous une forme atténuée à la quête.
Carrefour de l’inconnu, l’univers de la forêt
et celui des contes et des légendes se confondent.
C’est le royaume d’une foule de créatures fantastiques pas forcément très fréquentables.
Dans toutes les forêts de France en particulier dans le Poitou, le Nivernais et le Berry :
loups garous, ogres terrifiants et génies malfaisants s’y taillent la part du diable.
Des bois d’Orville en Picardie ou de Raches dans le Douaisis on trouve trace de sabbats,
ce sont ces fameux ronds de sorcières, où l’herbe ne pousse pas.
Mais les forêts abritent également, serait-cec pour éviter trop de tourments
Des être ,plus sympathiques lutins, qui ont pour noms Farfadets
En Brenne, gobelins en Picardie, Korrigans en bretagne, Lumerettes en Ardennes
Ou encore Sautereux en Laurraine…
Gnomes, nains, elfes, tout ce petit monde a pris souche il y a très longtemps,
Dans l’immense forêt Hercyniène qui recouvrait l’Europe.
Amis des écrivains et des poètes, ces créature ont inspiré ce qu’on appelle Le merveilleux.
En littérature, que l’on pense aux romans des chevaliers de la Table Ronde
De Chrétien de Troyes, au théâtre shakespearien ou aux conte de Charles Perrault
Et des frères Grimm. sans parler des fables de la Fontaine, des légendes
Recueillis par George Sand, des poèmes de romantiques allemands,
ou de la célèbre Ode de Goethe au roi des Aulnes. Je vous en conjure,
n’oubliez pas que tout ceci est né de l’âme de la forêt.

Simple morceau de bois creux, duquel l’oubli et l’indifférence ont arraché le cœur.
Qui dans un dernier râle essaie de vous ouvrir les yeux…



Mathieu